Une ferme en 1921 - Août

Lundi 1 Aout 1921

On a fini dans la soirée de rentrer les récoltes coupées , c'est à dire le blé et l'orge . Dans la matinée on fit deux voyages avec deux chariots; il était difficile d'en faire davantage , car pour faire un voyage complet , c'est à dire aller de la ferme au champ , charger le chariot , revenir à la ferme et le décharger dans la grange , il faut compter pas moins de trois heures ; naturellement avec une équipe travaillant de deux hommes seulement, un pour conduire les chevaux et tendre les gerbes au second qui les entasse régulièrement. Ce n'est pas aussi facile qu'on le croirait au premier abord de charger un chariot de telle façon que la charge soit uniformément répartie et que toutes les gerbes s'enchevêtrent régulièrement afin que les cahots de la route et principalement dans les fossés que l'on doit traverser pour sortir du champ et dans le fond desquels on met un fagot de branchages pour le combler momentanément afin qu'il n'oscille pas et ne se disloque pas. Il n'est pas rare de voir des chariots mal chargés perdre brusquement tout leur chargement après quelques kilomètres , et quel travail pour les recharger , les gerbes étant entassées pèle-mêle sur la route . Les gerbes longues comme celles de blé sont plus faciles à empiler que les gerbes courtes d'orge ou bien les bottes rondes de foin et il est même très difficile de faire un fort chariot avec ces dernières . Sur chaque rangée de gerbes on en met trois dont une au milieu parallèle à l'axe du chariot , et les deux autres perpendiculaires les épis tournés vers l'extérieur ; on met huit rangées en hauteur et dans la longueur on a quinze files de ces rangées, ce qui fait 360 gerbes , ce qui avec les quarante gerbes empilées au fond du chariot fait en moyenne 400 gerbes .

Lorsque les gerbes sont plus petites et que l'on n'a pas de grandes distances à parcourir , on peut dépasser les 500 gerbes par chariot . Les gerbes pesant en moyenne cette année 5kg pour les petites gerbes, cela fait que la charge d'un chariot est aux environs de 2t500. En général deux chevaux suffisent pour la traction.

L'orge d'hiver coupée déjà depuis une huitaine de jours a de même été rentrée ce soir et engrangée , il a également fallu faire deux voyages mais le deu xième avec un seul chariot .

Les deux attelages qui ont travaillé aujourd'hui étaient conduits par les deux domestiques de la ferme ayant chacun avec eux un aide pour faire le chariot. Le premier étant l'homme de journée et l'autre le basse-courrier de la ferme de Corvol.

Le fermier était resté avec son fils à la ferme afin d'aider au déchargement des chariots à leur arrivée.

Le berger avait mené paître ses moutons dans le champ afin d'y ramasser les épis qui avaient échappé au lieur de la machine et après l'enlèvement des gerbes une troupe de femmes et d'enfants vinrent glaner les épis très nombreux sur le sol, car beaucoup de chaumes s'étaient cassés au moment du premier chargement.

Mardi 2 Aout 1921

C'était aujourd'hui la foire de Prémery, chef-lieu du canton, foire qui a lieu tous les premiers mardi de chaque mois et où il tombe ordinairement beaucoup de bétail. J'y suis allé avec le fermier qui menait six petits porcs de lait afin de les vendre.

Les foires dans la région sont très pittoresques, les animaux sont placés dans un enclos entouré de murs,à peine attachés. Les porcs sont enfermés dans de petites cages, possédant des parois à claire-voie et dont le dessus, afin que la chaleur n'incommode pas trop les animaux, suivant les propriétaires,protégé par un drap blanc ou simplement par les branches de feuillage coupées aux arbres de la route .

Les paysans Nivernais fins et retors, vêtus de leur courte blouse bleue , le bâton d'épines noires à la main, circulent et tâchent de se rendre compte des prix avant de vendre.

Les porcs étaient en grand nombre, et cela parce qu'ayant vu les prix très élevés de ces animaux les années précedentes , chaque exploitant s'était efforcé de produire le plus possible d'animaux de si bon rapport. De plus les marchands de porcs habituels n'étaient pas là, car par ces temps de forte chaleur , ils ne peuvent en expédier beaucoup, la mortalité en cours de route pour les animaux tant jeunes.

Aussi la loi de l'offre et de la demande jouant , les porcs se sont vendus à des prix dérisoires comparativement aux marchés antérieurs. Les cultivateurs avaient amenés des porcs avec l'espoir de les vendre une centaine de francs pièce tout au moins ceux qui pesaient aux environs de 30 kilogrammes, au bout de peu de temps ils les offraient au prix de...25 francs et n'arrivaient même pas à les vendre. Entendant parler plusieurs d'entre eux, j'entendis la phrase suivante , des porcs que l'on aurait vendus 200 F il y a 2 ans, les céder à ce prix, ce n'est plus la peine d'en élever:« Si j'en avais j'aimerais mieux leur envoyer un coup de fusil! » Certainement il ne les tuerait point s'il en avait, et il préfèrerait les engraisser , car les gros porcs gras se vendent encore bien à la boucherie.

C'est très amusant d'écouter les pourparlers et d'assister à divers marchés. Après une longue discussion pendant laquelle le vendeur vante la qualité de sa marchandise et l'acheteur tâche de trouver ses défauts, ils finissent presqu'à s'entendre et se butent chacun qui ne varie guère de plus de dix francs avec celui de l'autre. Après des tergiversations l'acheteur propose de partager la différence et que le vendeur refuse tout d'abord ; puis cède ensuite ou bien tient énergiquement et l'acheteur majore son prix, quelquefois l'acheteur fait mine de s'en aller et d'examiner les porcs voisins; il n'est pas rare que l'autre lui coure après et lui dit qu'il accepte son prix, cela surtout lorsque comme aujourd'hui les animaux se vendent mal. 

Au premier coup d'oeil celui qui désire faire des achats sait à qui il s'adressera la plupart du temps parce qu'il le connait et sait qu'il a toujours les produits d'excellente qualité.

Le marché conclu, le nouveau propriétaire marque les animaux avec un tampon spécial et on se dirige vers le café où tout en prenant une consommation que règle obligatoirement le vendeur, les  deux hommes règlent leurs comptes.

Le fermier n'a pu vendre ce matin ses porcs à cause de la faible valeur qu'on lui en offrait et aussi du peu d'acheteurs présents. Il a du les ramener.

Dans l'autre partie du champs de foire était le marché aux veaux. Les petits veaux de l'année âgés de quatre à six mois étaient attachés au cou auprès de leur mère que l'on avait amenées. D'abord afin que les veaux suivent plus facilement et aussi pour montrer la valeur de la mère. On trouvait aussi quelques beaux châtrons de deux ans que les propriétaires avaient hâte de vendre , car ils se trouvent dans une commune moins favorisé et où ils manquent d'herbe et surtout d'eau.

Beaucoup de gens viennent également ce jour-là à la ville afin d'y faire leurs commissions et de profiter des occasions des marchands forains qui ne manquent pas de se trouver à toutes ces foires.

La foire finit à midi, alors tout le monde va déjeuner dans les restaurants du pays, et c'est une occasion pour ces gens ,si avares d'ordinaire de bien manger et de bien boire. Le repas est bien animé, bruyant et se prolonge assez longtemps puis se termine avec le café et les liqueurs. Puis chacun retourne chez soi ,les uns ramenant les cages vides, les autres conduisant leurs nouvelles  acquisitions  

Mercredi 3 Aout 1921

Ce matin tout le personnel de la ferme sauf le fermier et le berger est parti pour aller rentrer la récolte de la petite ferme de Corvol.

Le berger , comme tous les matins a mené son troupeau composé de cinquante cinq brebis dans la grande pièce des champs-nées, celles-ci mangent volontiers les épis , mais dédaignent la paille; cette nourriture étant très échauffante on ne les laisse que jusqu'à 9 heures et on les rentre dans la bergerie située dans le champs de trois 

après avoir fait quelques travaux dans l'intérieur de la ferme le berger les fait sortir de nouveau dans la soirée et les garde dans les champs jusqu'à l'heure du souper, environ à sept heures .

De bon matin le fermier a fait le pain pour la semaine , il a dû le faire lui-même , tout le personnel étant occupé au dehors , et la bonne n'étant pas assez forte pour cela.

Pour se faire tous les mois on mène au moulin de Chevannes quelques sacs de blé récolté à la ferme et on ramène les sacs de farine provenant de la mouture du chargement précédent .C'est ce mode opératoire que les meuniers préfèrent , car ils peuvent moudre le grain comme ils l'entendent et faire les mélanges qui leur assurent le maximum de bénéfice . De plus ils affirment toujours que le blé ne rend pas comme il l'aurait cru , ou bien qu'il avait une forte proportion d'écorce ; souvent ils gardent le son; autrefois ils gardaient comme paiement une certaine quantité de farine, pratique qui fut interdite pendant la guerre, alors que la consommation de chacun était limitée , en sorte que maintenant on a pris l'habitude de payer en argent.

Le pain sort de forme ronde ,assez plate, mais d'une assez grande superficie et comme ce pain est beaucoup plus tassé et moins levé que celui du boulanger, chaque miche pèse au minimum vingt livres. Dans la ferme on en consomme au moins un par jour , aussi en fait-on ordinairement une dizaine par semaine . La raison pour laquelle on fait de si gros pains est que d'abord cela nécessite moins de manutention et ensuite parce qu'il sèche moins lorsqu'on le conserve plusieurs jours comme dans de petites exploitations où ce travail est pénible et où on tâche de le répéter le moins souvent possible, et où le pain est souvent conservé une quinzaine de jours .

Le fermier étale ces pains dans la cave afin qu'ils ne sèchent pas trop vite sur des claies fixés au mur. Mais très souvent les rats les attaquent et en consomment beaucoup, et dans cette ferme composées de vieux bâtiments contenant beaucoup de pierres il est difficile de les détruire. Le four qui sert à la cuisson est situé dans la petite chambre qui communique avec la salle commune , il est construit en briques avec un revêtement de pierres de taille , il a une largeur de 0M50 . On allume le matin un bon feu de fagots de bois sec et lorsqu'on a bien chauffé , à l'aide d'une sorte de râteau de bois muni d'un long manche on retire la braise , puis on enfourne le pain avec une sorte de large pelle de bois et on le laisse cuire environ 3 heures .

Ce pain dit pain de ménage a un très joli aspect , il est fort bon lorsqu'il est frais et sent beaucoup plus le blé que celui du boulanger . Il ne sèche pas trop vite ; malgré cela au bout de quelques jours il devient friable et difficile à manger.

Autrefois toutes les exploitations faisaient elles-mêmes le pain nécessaire à leur consommation, mais elles ont cessé pour la plupart d'abord parce que la main d'oeuvre ne le permet plus et parce qu'il est arrivé un moment où le pain était moins cher qu'il aurait dû être , il y avait avantage à vendre le blé et acheter le pain chez le boulanger.

Jeudi 4 Aout 1921

Les hommes revenus un peu plus tôt de Corvol sont allés hier soir dans le champs d'avoine de printemps pour y faire les chemins le long de la haie et aussi pour séparer une petite corne très anguleuse et qui aurait retardé le passage de la machine. Ce matin on a commencé de couper à 6 heures du matin avec la moissonneuse lieuse attelée de quatre chevaux . L'avoine est bien droite en sorte que la machine fonctionne régulièrement ne laissant que très peu de chaumes échappés au lieur. Le grain est abondant , les panicules s'étant largement développés par suite de l'écartement des chaumes, et contrairement à ce que l'on croyait le grain est gros, bien nourri, sain et l'écorce est bien noire luisante.

L'étendue occupée par cette avoine de printemps est aux environs de 9 hectares et dont 4 ou 5 hectares ont été semés en luzerne ,trèfle et sainfoin pour l'année prochaine.

Le fermier avec la faucheuse attelée de deux chevaux est allé dans la matinée couper le champs de luzerne. Elle était déjà bien avancée, ayant commencé de former ses graines, mais on n'avait pas pu la couper plus tôt. Il a fallu un peu plus de 2 heures pour couper ce champs de 2ha29 La récolte est bonne ; la luzerne a poussé assez épaisse, mais n'est-elle pas très longue , à cause de la sécheresse ,cependant il n'y a pas de mauvaises herbes.

Le temps s'est rafraichi depuis hier , il est resté couvert aujourd'hui une partie de la journée ; on craignait l'orage , mais il n'y a rien eu . La température moyenne de la journée a été seulement de 21°, alors que les jours précédents elle était de 32°. Les habitants attribuent ces changements de température aux mouvements de lune, celle-ci est en effet nouvelle depuis hier.

Vendredi 5 Aout 1921

On a continué de moissonner une grande partie de la journée, aussi ne reste-t-il plus que 2 à 3 hectares à couper, ce qui sera fait demain matin si rien ne retarde . 

Les gerbes sont assez abondantes et quoiqu'elles ne sont pas très grosses , ni très longues , elles pèsent environ 4 kg , ce qui indique une bonne qualité du grain .

Par ces temps de grandes chaleurs , les chevaux suent beaucoup et les frottements des harnais causent des plaies sur lesquelles se posent sans discontinuer les mouches et qui ainsi sont longues à se guérir . Ce matin une des juments souffre trop, se refuse à travailler, car son collier frotte sur une blessure au garrot, aussi on l'a dételée et on l'a ramenée à la ferme et on en a récupérée une autre à la ferme pour l'échanger.. Pourtant elles ne fatiguent pas beaucoup ,étant quatre pour tirer la moissonneuse lieuse sur un terrain n'offrant pas de résistance; trois seraient suffisantes mais on en ajoute afin que le travail soit régulier et sans à coups ,ce qui contribue à préserver le bon état de la machine.

L'homme de journée et un des domestiques ramassaient les tas et les mettaient par neuf ou dix gerbes ; ils vont environ à la même vitesse que la machine . Le soir ils sont restés pour préparer le chemin par où sortiront les chariots ; le passage pour sortir du champs présentait en effet un trou du co^té opposé au virage à prendre pour gagner le chemin , ce qui aurait pu faire verser la charge . Ils ont du combler ce trou avec de la terre prise sur le bord opposé . 

Vers les deux heures avant de se mettre à moissonner, tous les hommes sont allés faner la luzerne qui sèche très vite . Ils travaillaient sur uneseule rangée, munis d'une fourche à 3 dents.

Demandant au fermier pourquoi il n'employait pas une faneuse , il me répondit que 3 hommes faisaient plus de travail et du meilleur, de plus si on n'employait que des machines les chevaux n'auraient plus assez de repos.

Samedi 6 Aout 1921

Craignant que la pluie arrive,car le ciel était bien couvert ce matin, le fermier a décidé de rentrer la luzerne que ses hommes avaient mis en tas hier soir afin qu'elle ne soit pas mouillée par la rosée de la nuit.

Elle n'avait été coupée qu'avant-hier , cependant elle était bien sèche, et même en la mettant en meules et en la chargeant elle gardait ses feuilles. 

On la rentre avec les chariots qui avaient servi au transport du blé , attelés de deux chevaux, et on fit deux voyages à deux chariots ce qui porte à 4 chariots la récolte de 2ème coupe.

Dans la soirée on a terminé la moisson de l'avoine de printemps en sorte que toute la moisson est terminée. Il ne reste plus qu'à rentrer cette avoine, ce qui sera l'affaire de deux jours à peine et on commencera dans quelques jours.

Dans toute la commune et dans les environs on se plaint de plus en plus des dégats causés aux récoltes par les mulots, ceux-ci sont en si grande abondance dans les champs et les prairies que toutes les galeries se  touchent ,et qu'on les voit sans cesse courir dans tous les sens .

On ne fait absolument rien dans le département pour enrayer leur invasion et les détruire, tandis que des départements ont pris des décisions dans ce sens.

En Saone et Loire ,à la suite d'un rapport du directeur des services agricoles , l'Office agricole du département a décidé de venir en aide aux régions du département dévastées par les mulots et les campagnols en participant à la lutte contre ces rongeurs

L'Office prendra en charge 25% de la dépense pour achat du produit « Ratinol » et accordera une subvention de 10 F par hectare, si la destruction est entreprise au moyen d'équipes d'ouvriers munis d'appareils « Plessy » pulvérisateurs à gaz sulfureux.

La lutte devra être entreprise collectivement par des associations agricoles ou des groupements organisés sous la direction des municipalités. Il serait à souhaiter qu'une organisation similaire soit fondée dans ce département, car elle rendrait de grands services.

Lundi 8 Aout 1921

En allant visiter ce matin les animaux dans les prés, nous en avons trouvé deux, atteints de la fièvre aphteuse.

Cette épidémie sévissait depuis déjà un certain temps dans les communes avoisinantes et a fait son apparition dans la commune depuis une semaine environ . Mais on l'a jusqu'ici cachée soigneusement afin de pouvoir continuer à expédier des animaux à Paris , à aller aux foires et faire circuler librement les animaux.

La loi prévoit que cette déclaration est obligatoire et doit se faire immédiatement; mais on ne s'en préoccupe pas . On ne réfléchit pas que l'on contribue à propager l'épidémie ou si on y réfléchit on fait passer ses intérêts courts termes.

Les premiers signes caractéristiques de cette maladie sont un état fébrile avec perte d'appétit et sécheresse de la bouche , en sorte que les animaux ne cessent de boire.

Chez les vaches , avant même que l'on observe les premiers symptômes , la sécrétion lactaire diminue brusquement , à tel point qu'on l'a vue souvent tomber du jour au lendemain de 15 litres à 2 litres. On peut consommer le lait des vaches atteintes à condition de le faire bouillir auparavant. Car dit-on la fièvre aphteuse serait transmissible à l'homme.

Il apparaît d'abord de gros boutons dans la bouche,surtout au pourtour des lèvres, aux gencives, à l'intérieur des joues et même sur la langue ; les animaux font entendre un bruit de succion caractéristique et la salive plus abondante coule de la bouche en filets gluants . Ces boutons qui ont la forme de vésicules d'un gris blanchâtre se déchirent rapidement faisant place à des plaies rouges très sensibles formant des d'ulcérations superficielles qui ne se cicatrisent que lentement.

Peu de temps après l'éruption de la bouche ou quelquefois en même temps apparaissent des boutons sur les pattes , sur la couronne et dans la fente séparant les deux onglons.

On a l'habitude de considérer cette éruption comme moins grave que la précédente ,quoiqu'elle puisse en certains cas provoquer la chute des onglons et amener la mort de l'animal.

Les bords de la fente des onglons sont gonflés, rouges, chauds et douloureux au toucher; les animaux piétinent alors sans cesse, car ils ne savent pas sur quelle patte s'appuyer, et lorsqu'ils se déplacent, on les voit boiter fortement.

Dans les pâturages on reconnaît de loin les animaux malades parce qu'ils sont couchés , souvent éloignés du troupeau et qu'ils ne mangent pas .

On ne fait jamais rien dans le pays pour soigner cette maladie , on la laisse évoluer normalement et cependant la mortalité est infime. 

La contamination et son extension sont très capricieux; souvent on aura dans un pâturage que quelques animaux atteints , le reste du troupeau continuant à bien se porter et on voit fréquemment des pâturages indemnes au milieu de pâturages atteints .

Quoique les chevaux et les moutons paissent avec les boeufs et quoiqu'ils peuvent contracter  cette maladie , on n'a pas vu de cas chez eux.

La gare d'Arzembouy où l'on embarquait d'habitude les boeufs le samedi à destination de Paris est consignée à l'expédition , par suite de la présence d'animaux atteints de fièvre aphteuse en cette commune , mais la gare suivante n'étant pas consignée , les éleveurs et emboucheurs essaieront d'y expédier samedi prochain des boeufs qu'ils ont hâte de s'en débarrasser pour décharger les pâtures ; la sècheresse détruit rapidement l'herbe et évapore vite l'eau des mares.

L'herbe commence à être rare dans les prés et si nous étions il y a encore 15 jours une des rares régions de France encore verte , nous sommes actuellement dans une situation presque semblable et si la sècheresse continue encore une quinzaine de jours, les animaux souffriraient de la faim, ce qui n'est rien à condition de ne pas souffrir simultanément de la soif , car il reste encore beaucoup d'endroits avec de l'herbe dure et sèche , peu savoureuse que les animaux avaient dédaignée tant qu'il y avait de la bonne herbe tendre .

Les emboucheurs se plaignent fort actuellement du prix de la viande, et ils perdent de grosses sommes d'argent sur les animaux qu'ils vendent en ce moment .

Aujourd'hui ils ne vendent plus que 240 F le quintal ,ce qui pour de boeufs de 950 à 1000 kg un prix d'environ 2400 F à la vente , ce qui représente une perte de 200 à 600 F par boeuf .

Il est vrai que l'année dernière , ils se sont trouvés dans la situation inverse et ont gagné cette somme par boeuf.

Les fermiers éleveurs ne subissent pas la perte de la même façon , car les animaux sont nés ,élevés et engraissés sur la ferme. Ils ne font que réaliser un bénéfice moindre.

Mardi 9 Aout 1921

 

Aujourd'hui on a commencé de rentrer l'avoine de printemps à la ferme . Cette rentrée fut faite par trois chariots et pour ne pas perdre de temps on opéra de la façon suivante : chaque chariot ne fut plus accompagné que par le charretier qui sur le champs tendait les gerbes au fils du fermier qui ne faisait qu'empiler sur les chariots à mesure qu'ils arrivaient. A la ferme l'homme de journée prenait les gerbes sur le chariot et les tendait aux trois hommes qui étaient sur le grenier, le fermier, son basse-courier et un homme de journée supplémentaire.

Ainsi on arriva à rentrer 12 chariots dans la journée, ce qui est rapide . Ce système permettait une grande économie de temps, car il supprimait  la perte de temps occasionnée par les voyages de la ferme au champs et vice versa. Un chariot se chargeait ,un était sur la route et l'autre se déchargeait.

On chargeait un peu moins les chariots , car l'avoine était très lourde . Comme ces petites gerbes s'empilaient très bien , on avait tendance à surcharger les deux premiers chariots, et par suite des cahots , la terre étant très sèche , une des roues d'un chariot s'affaissa heureusement c'était à l'entrée de la ferme .

La récolte promet d'être belle ; les gerbes sont lourdes malgré que le grain soit un peu petit ; le grain est bien noir , contrairement à l'idée reçue qui prétend que l'avoine de printemps ne peut pas noircir si elle ne reçoit pas d'eau.

Le fermier a eu l'idée de l'arroser sur le grenier après avoir empilé chaque chariot avec un arrosoir ; la petite quantité d'eau fera gonfler un peu le grain, assouplira la paille, l'extrême chaleur actuelle empêchant le moisissement de la récolte.

La récolte a été engrangée dans le nouveau bâtiment qui n'est encore couvert que d'un côté , cela n'a pas beaucoup d'inconvénients , car on ne pense pas que la pluie arrivera avant plusieurs jours et au bout de ce temps la toiture sera terminée .

Les souris avaient commis de nouveaux dégâts dans les tas de gerbes laissées dans le champs ; non seulement ils avaient égrenés nombre de panicules , mais ils avaient coupés beaucoup de ficelles liant les gerbes, de sorte que pour les charger il fallut les lier de nouveaux,lien fait de paille d'avoine , la ficelle étant devenue trop petite.

J'ai comparé en revenant dans le champs d'un petit propriétaire que les gerbes faites à la main font le double des gerbes faites à la machine, pesant 15 kg , rendant le chargement beaucoup plus pénible . Elles sont liées ordinairement  avec un noeud fait du côté des épis avec deux poignées de paille ou bien avec des joncs ou des carex, on n'emploie que très rarement des cordes, car il est plus difficile de faire des gerbes assez serrées.

 

Mercredi 10 Aout 1921

 

La rentrée de l'avoine a continué aujourd'hui et est entièrement terminée ce soir , elle s'est poursuivie dans de très bonnes conditions: en effet  dans la matinée nous avons eu deux orages qui ont été accompagnés d'un peu de pluie , sans doute trop peu pour mouiller la terre, mais suffisamment pour faire un bien énorme à la paille d'avoine brulée par le soleil et au grain desséché .

On souhaitait que cet orage nous amène beaucoup de pluie pour ramener un peu d'herbe dans les prairies , mais je crains qu'elle ne tombe pas encore cette fois-ci et que nous ayons encore de longs jours de sècheresse .

On se plaint de plus en plus de la fièvre aphteuse dans les communes environnantes et dans l'une  elle s'est compliquée avec le charbon et fait subir des pertes importantes aux éleveurs de cette commune.

Hier avait lieu la foire de Corbigny , petite ville Chef lieu de canton, située sur l'Yonne, à la limite du Morvan et à une vingtaine de km de Champlin. Un propriétaire qui y était allé mener un veau m'a dit que les bovins s'était encore assez bien vendus quoiqu'on constate une légère tendance à la baisse , de même pour les porcs gras, mais les petits porcs sont toujours vendus très bon marché : 10 F le porcelet pesant 15 à 20 kg et peu d'acquéreurs à ce prix , car tous les éleveurs en ont actuellement plus qu'ils ne peuvent en élever , et de plus sont menacés d'une mauvaise récolte de pommes de terre.

 

Mercredi 17 Aout 1921

 

La moisson a été terminée comme il le fallait et depuis mercredi dernier une pluie fine n'a cessé de tomber.

Depuis longtemps on ne l'avait pas faite aussi vite et finie, d'habitude les moissons d'avoines de printemps n'étant jamais finies avant fin aout .

Cette pluie fine a fait un bien immense à toute la végétation qui commençait à souffrir du manque d'eau; les prairies ont reverdi , les légumes se remettent à pousser , malheureusement il en est de même pour les pommes de terre qui germeront. 

Les pluies persistantes ont détruit les criquets et l'on n'en aperçoit plus du tout dans les prairies.

On n'a pas fait de travaux importants dans la ferme , le fermier a plutôt tâché d'employer les hommes pendant les quelques moments où il ne pleuvait pas.

On a coupé les quelques chardons qui avaient repoussé dans les prés et on a été cherché les matériaux nécessaires pour la construction.

Le nouveau bâtiment est achevé de couvrir en sorte qu'on apu enlever les bâches qui couvraient la récolte d'orge que l'on a entassée faute de place ailleurs ; on attend maintenant que la machine à battre vienne dans la commune .

Déjà plusieurs fermiers des environs ont commencé le battage de leurs récoltes, n'ayant pas assez de place pour l'engranger , et la récolte étant si abondante cette année que certains ont du en laisser une partie dans les champs.

On attribue cette récolte exceptionnelle de céréales à l'année chaude et sèche . On a remarqué que les années d'extrême sècheresse donnaient en abondance du blé et du vin. J'ai même retrouvé dans les archives de la mairie un document que j'ai joint au rapport et qui donne un rendement exceptionnel en blé et en vin pour l'année 1785 qui avait été également très sèche . Ce document notait de plus que l'année avait été pauvre en fourrage et que par la suite il avait atteint un très haut prix , je crois qu'il en avait été de même dans beaucoup de régions cette année là.

La fièvre aphteuse a continué à se développer , mais de façon très capricieuse. De plus elle a sévi sur des moutons et sur des porcs ;aussi a-t-on été dans l'obligation de déclarer cette épidémie , car on risquait de se faire prendre.

On ne pourra donc plus expédier des boeufs à Paris puisque la commune se trouve consignée. Les conséquences en sont moins importantes, car les pluies ont pu faire repousser un peu d'herbe et ont remis les pâturages en état.

 

Jeudi 18 Aout 1921

 

Ce matin on a trouvé 16 des petits porcs sur les 18 qui composaient les portées des deux truies de la ferme . Les mères ayant contracté la fièvre aphteuse, ces petits animaux à peine âgés d'un mois ont contracté le microbe par le lait maternel, et ont été très rapidement atteints .

Un moyen propriétaire a également perdu cette nuit un jeune veau et craint de perdre les trois qu'il possède encore et qui ne sont pas sevrés, car ils sont un peu en retard cette année.

La fièvre aphteuse ne cause donc ici des dégâts que sur les très jeunes animaux qui ne s'alimentent qu'avec le lait de leur mère;les animaux plus âgés souffrent pendant quelques temps, mais s'en guérissent parfaitement.

On a commencé aujourd'hui le labourage des places laissées en jachère et on a travaillé avec deux charrues.

La première était attelée de deux chevaux de front et réunis par une barre de fer de 0m60 de long fixé à une boucle de la bride de chaque animal qui les empêchait de s'écarter l'un de l'autre et les obligeait à tourner ensemble; elle était conduite par le fils du fermier qui a l'habitude de travailler seul.

L'autre était attelée de trois chevaux ,deux étaient disposés comme précédemment , le premier tirant à l'aide d'une chaine dont l'extrémité était fixée directement par une boucle au crochet d'attelage de la charrue , le conducteur ne conduisait que le cheval d'arrière de gauche en le tenant par la bride et dirigeant le premier par le geste , tandis que pour pour le premier attelage les guides de corde avaient été passés dans les boucles de bride du cheval de droite et les extrémités attachées aux mancherons de la charrue. La charrue versant à droite , le cheval de droite et le cheval de devant dans le cas du deuxième attelage marchaient dans la raie du labour.

La charrue (décrite un peu plus loin) est assez difficile à conduire il faut être sans cesse à manoeuvrer les mancherons , les soulever pour faire mordre le soc lorsqu'une pierre l'a fait sortir de terre, appuyer dessus au contraire pour que le soc pique moins creux ou sorte de terre pour éviter une grosse roche, les pousser à gauche afin que la pointe du soc se dirige vers la droite si l'on veut entamer une tranche moins large, ou au contraire les pousser à droite si on veut en prendre plus large .

Ce labour qui n'était pourtant qu'une sorte de déchaumage était fait de 0m15 à 0m18 de profondeur , ausssi l'on conçoit facilement la difficulté du travail sur une terre aussi compacte.

On avait pu croire que la pluie qui était bien tombée depuis huit jours aurait pénétré et mouillé le sol , mais il n'en était rien. Le sol en profondeur était si sec que même ayant absorbé une grande partie d'eau, il n'avait pas perdu de sa compacité et les mottes retournées sont grosses et difficiles à émietter .

J'ai vu dans un champs d'un moyen propriétaire opérer le battage du sainfoin de graine. Ce dernier avait été coupé deux jours auparavant avec la faux munie de son râteau déposé en andain, puis la veille on l'avait mis en tas.

Un grand drap blanc avait été étalé sur le sol; on mettait dessus un tas de sainfoin et deux hommes frappaient dessus avec le dos de leur fourche en fer, puis secouaient les tiges afin de bien faire tomber les graines sur le drap et les chargeaient sur le chariot arrêté à côté .

La graine était ensachée à mesure et sera vendue à un marchand de grains qui après l'avoir triée et nettoyée la commercialisera.

Les tiges sont emmenées à la ferme et serviront de fourrage pour la nourriture des animaux .

D'autres cultivateurs ne battent pas leur sainfoin dans le champs , ils le chargent sur des chariots sur lesquels on a étendu un grand drap et l'amènent à la ferme où il est battu de la même façon que précédemment sur l'aire de la grange .

Dans quelques champs on commence également à rentrer le trèfle de graine, mais ce n'est le fait que des gros fermiers , car cette plante fourragère étant beaucoup plus difficile à battre ,elle nécessite l'emploi d'une machine ,il n'y a que ceux qui en ont une assez grande superficie pour pouvoir en supporter les frais.

 

Vendredi 19 Aout 1921

On a coupé aujourd'hui comme fourrage les deux parcelles de trèfle située dans le champs du Fumerin et dans le bas des champs-nées. Il n'est pas encore très avancé, mais le temps menace de plus en plus à se mettre à la pluie et on a  profité de ce que la journée a été un peu plus chaude que la précédente . Si la pluie ne survient pas dans la nuit , on pourra le rentrer rapidement , car étant peu fourni , il sèchera très rapidement . La récolte ne sera pas abondante , mais ce sera tout de même un appoint à la consommation d'hiver.

            Le fermier a parlé de conduire le fumier dans ces parcelles aussitôt le fourrage enlevé. J'en ai profité pour examiner le tas de fumier.

            Il a été fait dans un coin de la cour formé par l'angle du pré Bardin après le corps de bâtiment comprenant les granges et les écuries. Actuellement il a environ 15 mètres de long sur 10 mètres de large et sa hauteur varie entre 1m et 1m70. Son volume serait d'environ 180 mètres cubes. Il est actuellement très décomposé , sauf à la partie supérieure , mais il n'aura pas la valeur fertilisante qu'il aurait dû avoir par suite du mauvais entretien.

            On met beaucoup de paille aux animaux , en sorte qu'il en rentre une grande partie dans sa composition; de plus on ne recueille pas les excréments liquides qui coulant par des rigoles creusées à cet effet dans les écuries s'en vont tomber dans le pré Bardin formant des mares où les deux truies aiment se vautrer.

            Le fumier sorti de l'étable par brouettées est entassé, mais sans être fortement compressé, on se contente de déverser sur le tas , le purin ne peut s'écouler dans le sol qui est imperméable, mais est entrainé par les eaux de pluie vers la mare dont l'eau est toute verte. De plus les crîblures de céréales , les balayures des granges en un mot toutes les graines de mauvaises herbes sont jetées sur le tas de fumier ou y sont entrainées par le vent.

            Le fumier est à l'air libre, ce qui par ces derniers temps de grande chaleur la partie superficielle avait pris feu avec les cendres qu'on y avait jetées; aussi les pertes en éléments nutritifs sont-elles très importantes . Il n'y a pas de fosse à purin et jamais on a eu l'idée d'en creuser une , car on ne se rend pas compte des pertes énormes subies par le fumier et on ne voudrait pas se donner la peine de l'arroser ou même de le tasser. Et tout ceci n'est que par ignorance . Il serait presque impossible de leur faire comprendre qu'en ne prenant pas de précaution, on perd une grande partie des éléments fertilisants, ceci n'étant pas visible.

            Près du grand bâtiment au bout où est l'étable réservée au propriétaire se trouve un autre tas de fumier produit par cette étable se trouve une fosse à purin.

            Cette fosse a la forme du coin du mur de 3m50 de côté et de 2 m de profondeur; elle est creusée dans la terre qui à cet endroit est fortement argileuse . Comme le tas de fumier  ne possède pas de petit fossé d'écoulement vers la fosse, ce n'est qu'une partie du purin qui vient à cette fosse,le reste va à la deuxième mare .

            Ce purin n'est jamais utilisé pour être épandu dans les champs ou les prés . Le propriétaire dont le mur du jardin touche la fosse a fait une ouverture dans le mur pour que son jardinier puisse utiliser ce purin..

                                    Les Chaumes

            Une commune voisine celle de Lurcy possède plusieurs chaumes dont une de 30 ha ,entièrement clos , possédant deux barrières et traversée à une extrémité par la rivière . Cette chaume constitue un excellent pâturage , très bien entretenu, aux frais de la commune , chaque habitant peut y faire paître des animaux moyennant une faible redevance .

            Il est rare de trouver des chaumes aussi bien entretenues.; c'est un sérieux secours pour les très petits propriétaires éleveurs.

            La commune de saint Benin des bois,dont une grande partie de la superficie est occuppée par des bois possède également une grande étendue de chaumes ,situées principalement le long de la rivière et de ses petits affluents et couvrant près de 100 ha .

            Le terrain est assez humide , en sorte qu'il y ait poussé un grand nombre de buissons formés surtout de saules et de vernes ( arbres glutineux ) et les animaux ne ne peuvent paître qu'entre ces buissons qui prennent de plus en plus de place.

            Je ne sais ce qui a empêché toutes ces communes de faire comme Champlin et de partager toutes ses chaumes entre les divers habitants , peut-être a-t-on pensé que la portion revenant à chacun serait trop peu importante et qu'il était préférable de continuer à mutualiser leur utilisation.

            Mais c'est une grande perte pour l'économie nationale ,car souvent ces chaumes sont soumises à une surexploitation et pas régulièrement entretenues. Elles sont loin de rapporter ce que rapporteraient des prairies appartenant à des particuliers.

            Comme le temps menaçait fort ce matin, le fermier s'est hâté de faire rentrer le trèfle quoiqu'il ne soit pas encore tout à fait sec . Il avait été mis en meule hier soir, ce qui a facilité la tâche ce matin et permis de ne pas recevoir la rosée de la nuit.

            Ce fut fait heureusement à temps car il a plu toute la soirée et un fourrage mouillé perd de sa valeur nutritive.

            Certainement cette pluie va déranger quelques travaux , principalement ceux de battage, mais elle fait un bien immense . En effet on pourra labourer les places que l'on va ensemencer en céréales d'hiver.

            Les prairies ont reverdi et l'herbe pousse rapidement ; les mares ont reçu un peu d'eau et les légumes commencent à regrossir.

            Partout on constate une abondante pousse de champignons de rosé. Ce qui est assez rare à cette époque car il faut en effet une pluie très importante quand le sol est aussi chaud..Et on les voit sortir de terre comme par enchantement. Dans les communes voisines du canton , on les ramasse même pour les vendre sur le marché du chef-lieu où on les vend 2 F le kilogramme.

            Les champignons qui poussent dans les prairies sont des Psalliotes , on en trouve deux variétés une appelée dans le pays Champignons de rosé, qui est petit ,possède un très petit pied,bien blanc au dessus et sous le chapeau des lamelles rose vif,quand il est frais, l'autre vient plus gros (jusqu'à 30 cm de diamètre), il a un très gros pied renflé à la base ,les les lamelles rose plus pâle

et la chair plus parfumée, mais coriace.

Jeudi 25 Aout 1921

Le pluie étant tombée depuis le début de la semaine , elle a empêché d'exécuter les travaux que l'on aurait désiré terminer avant le battage , c'est à dire couper le trèfle à graine et labourer en tant que déchaumage.

            Avant-hier on avait commencé à labourer la place de l'avoine d'hiver avec deux charrues , mais après avoir travaillé toute la matinée on a du abandonner à cause de la pluie persistante .

            La charrue employée dans la région est très grosse, très forte, ce qui est nécessité par la nature même du terrain et exige au moins pour sa traction en terrain plat deux chevaux et trois lorsqu'il est un peu accidenté. L'âge (pièce horizontale à laquelle s'ajuste le soc et toutes les autres pièces de la charrue) en est en bois de section carrée , amincie en avant et vers l'arrière et renforcée vers le milieu où est attaché le soc. Les mancherons sont en bois recourbé et aminci aux poignées. Ils sont écartés de 0m60 et réunis par une tringle de fer . Un porte fouet est attaché à celui de gauche  et permet à celui qui laboure seul de faire avancer les chevaux .

            Le soc est très pointu et allongé le versoir est fortement recourbé sur la droite et le sep très épais. La longueur totale est de 1 m et la hauteur 0m40 ; la largeur de la bande ouverte est de 0m35 . En avant est un fort couteau maintenu à l'âge par une vis qui permet d'en régler la hauteur et l'inclinaison. Une boucle fixée sur le dessus de l'âge est destiné à passer les guide s de conduite des chevaux , d'une autre plus petite sur le côté sert à maintenir l'outil avec lequel on nettoie le soc et coutre. L'avant-train se compose d'un cadre rectangulaire au milieu duquel est fixé l'essieu des deux roues qui sont en fer d'égale hauteur et de 0m70 de diamètre . Sur ce cadre et suivant l'essieu se trouve un autre cadre perpendiculaire portant en son milieu une grosse vis que l'on fait tourner avec une manivelle et dans laquelle coulisse un collier auquel est fixé perpendiculairement , afin de permettre les mouvements de bas en haut d'une grosse tige de fer s'engageant dans deux oreilles fixées sur l'âge . Ce régulateur permet en abaissant ou en relevant l'extrémité de l'âge de faire pointer ou de faire relever le soc pour labourer plus ou moins profond. Au centre du cadre horizontal de l'avant-train se trouve l'extrémité d'une barre munie d'une cheville que l'on peut fixer dans les trous de la barre avant , ce qui permet de donner à cette pièce terminée par un gros crochet d'attelage l'inclinaison que l'on veut et que les deux chevaux marchent sur le guéret. Une grande barre d'attelage possède une boucle centrale d'un côté que l'on passe dans le  crochet de 2 plus petites barres aux extrémités desquelles sont les crochets auxquels se fixent les bouts des traits des chevaux.

            Les mouvements nécessaires pour agrandir et rétrécir la largeur de la bande et pour sortir la charrue de terre sont permis par l'articulation de l'avant-train.

            Pour  le transport de la charrue sur route , on possède un petit chariot à 2 petites roues de 0m30 de dia mètre muni d'un bâti triangulaire que l'on engage dans le soc.

Vendredi 26 Aout 1921

Le fermier a été averti ce matin que la machine à battre viendrait chez lui la semaine prochaine  pour trois jours aussi a-t-on fait tous les préparatifs nécessaires : recherche des hommes de journées , nettoyage de la cour , préparation de l'eau et du charbon , ainsi qu'un peu de bois , recherche de sacs pour mettre le grain et nettoyage du grenier .

            La chasse ouvrira après-demain ,dimanche 28 aout . Quoique la commune compte peu de chasseurs, on constate que le gibier est assez rare ,bien que les grands prés d'embouche soient réservés et constituent ainsi un réservoir . Autrefois le gibier était important , d'où vient cette diminution ? D'abord le braconnage qui s'est trouvé intensifié avec la guerre et de l'éloignement de la commune de la gendarmerie du canton , de l'augmentation du nombre de prédateurs nuisibles , mammifères , oiseaux , du fait du nombre restreint de chasseurs et du prix des munitions pour éliminer ces nuisibles (les hérissons entre autres pullulent et causent des dégâts sérieux dans les compagnies de perdrix ). Mais la principale cause semble être à mon avis l'extension du machinisme . En effet l'ancien fauchage à la faux commençant à un bout du champs et avançant régulièrement vers l'autre bout du champs , faisait que l'on ne détruisait guère que les nids de perdrix contenant des oeufs , tandis que la machine moissonneuse ou faucheuse tournant autour du champs  , concentrant le gibier dans le centre et de plus l'étourdissant son cliquetis régulier dont on ne peut discerner l'éloignement le surprend et mutile les jeunes animaux ; D'après les renseignements recueillis , une vingtaine de compagnie de perdrix , autant de lièvres et peut-être de couvain de cailles auraient été détruits dans les champs.