Une ferme en 1921 - Octobre

Lundi 3 Octobre 1921

Les travaux de la saison se trouvent interrompus par l'état de sécheresse du sol, il faudrait en effet en ce moment labourer pour faire le blé, mais la terre est si dure principalement sur les places occupées par les prairies artificielles que bien qu'on mette quatre chevaux à la charrue, ils ont de la peine à l'ouvrir.

            De plus si l'on faisait du blé sur une terre aussi sèche , il ne pourrait pas lever. Cependant dans les places occupées par la jachère ou la navette d'été et qui avaient été labourée il y a une quinzaine de jours on a semé du blé , mais en l'enterrant à la charrue à environ 10 cm .

            Les avoines d'hiver qui pressaient beaucoup à faire ont été semées , mais on ne sait pas ce qu'elles feront dans cette terre privée d'eau. Les pigeons ramiers et les bigots sont arrivés en bande sur les semailles de blé et d'avoine d'hiver et picorent les grains .Les rats feront beaucoup de mal , ils recréent leur terrier à l'endroit d'où on les avait délogés et dévorent les emences.

            Les pommes de terre étant arrachées , le fumier est transporté dans tous les champs et épandu , les mares étant curées  et le grain transporté chez le minotier, comme on ne peut opérer les labours d'automne , il n'y a plus rien à faire.

            Aussi plusieurs fermiers et propriétaires ont décidé d'arracher leurs betteraves . Celles-ci sont arrachées à la main ; les hommes montent chacun une rangée , arrachent la betterave la prenant par le collet , tordent les feuilles de la main droite afin de les détacher du collet et jettent les racines en petits tas . Elles sont ensuite rentrées avec le tombereau.

            On fait une assez grande quantité de betteraves dans la commune , car c'est une partie importante de l'alimentation des bovins l'hiver . On prétend que pour les vaches de reproduction une grande quantité de ces racines favorise la mise-bas.

            Mr Arnoud ne veut pas encore arracher en ce moment ses betteraves; il prétend qu'elles ne sont pas encore assez mûres et sont trop sèches . Le premier défaut aurait pour inconvénient de les faire flétrir dans le silo et de les exposer à la pourriture, et le deuxième de les faire casser trop facilement lorsqu'on bascule le tombereau . Il ne veut pas les arracher avant un mois , et si il survenait un peu d'eau , il pense que cela leur ferait grand bien.

            Les betteraves récoltées cette année sont en général moins belles que les autres années , beaucoup surtout où le sol était fortement calcaire et en conséquent plus sec, n'en récoltant que des petites.

            Quelques fermiers qui avaient très bien travaillé leur terre et un propriétaire qui avait employé des engrais en ont de magnifiques . Certaines mesurant 0m50 de long et 0m20 de diamètre, pesant plus de 7 kg.

            Quelques petits propriétaires en font déjà consommer par les veaux mâles qu'ils prévoient de vendre à la foire de la Saint-Martin, complémentée avec de la farine d'orge , cela en plus du lait maternel et de l'herbe du pré.

            L'interdiction de transporter des animaux par suite de la présence de fièvre aphteuse a été levée aujourd'hui. De fait les éleveurs et emboucheurs peuvent maintenant vendre et expédier leurs animaux sur le marché de Paris par la gare la plus proche.

                        Clôturé le  5 Octobre 1921

                                    Georges Carré